Ajout vente vase

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Florian Maury 2023-12-14 17:48:27 +01:00
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M. Morin a vendu à la concubine de son fils, lors d'un diner de famille, un vase
pour 10000 euros, à la suite d'un accord verbal. Le lendemain, l'acquéreuse
adresse au vendeur une lettre postale dans laquelle elle manifeste sa volonté de
payer le prix convenu. Après plusieurs semaines, cette dernière indique vouloir
payer quand elle aura elle-même vendu le bien. M. Morin souhaite être payé
immédiatement.
La première question de droit est de déterminer sur qui repose la charge de la
preuve.
En droit, l'article 1353 du Code civil dispose que "Celui qui réclame
l'exécution d'une obligation doit la prouver.". Ainsi la loi indique que c'est
au plaignant de fournir la preuve d'un fait ou d'un acte juridique qu'il
reproche au défenseur.
En l'espèce, M. Morin est celui qui, insatisfait du non-paiement immédiat du
prix fixé par le contrat de vente, vient demander conseil juridique, en vue
d'une éventuelle action en justice.
En conséquence, la charge de la preuve de la vente incombe à M. Morin.
Il convient cependant d'envisager les exceptions à cette règle de droit que sont
les présomptions, d'une part, et les stipulations sur la preuve prévue par un
contrat de vente.
S'agissant des présomptions, en droit, l'article 1354 dispose que "La
présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits en les
tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d'en rapporter
la preuve". Ainsi, celui sur qui la charge de la preuve repose peut être
dispensé de l'apporter, dans certains cas spécifiques prévus par la loi. Ces cas
sont appelées des présomptions légales.
En l'espèce, la vente d'un vase n'est couverte par aucune des présomptions
légales.
En conséquence, M. Morin devra bien fournir la preuve de l'existence de la
vente.
S'agissant de stipulations sur la preuve, en droit, l'article 1356 du Code civil
dispose que "Les contrats sur la preuve sont valables lorsqu'ils portent sur des
droits dont les parties ont la libre disposition". Il est ainsi possible pour
les parties d'un contrat de convenir sur la charge de la preuve, et notamment de
prévoir un renversement de la charge de la preuve, où ce serait à l'acquéreur de
prouver l'extinction de son obligation, comme prévu par l'article 1353 du Code
civil qui dispose que "celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou
le fait qui a produit l'extinction de son obligation".
En l'espèce, le contrat n'ayant pas fait l'objet d'un écrit, aucune clause
relative à la preuve n'a ainsi été prévue.
En conséquence, la charge de la preuve n'est pas renversée, et il incombe donc à
M. Morin de prouver l'existence de la vente.
La charge de la preuve ayant été établie, il convient d'établir l'objet de la
preuve, d'une part, et de considérer l'admission de la preuve, d'autre part.
S'agissant de l'objet de la preuve, en droit, il existe une distinction suivant
qu'il s'agisse d'un fait juridique, ou d'un acte juridique. Le fait juridique a
trait à un événement ayant produit des effets juridiques sans qu'ils ne soient
la manifestation d'intentionalité d'un sujet de droit. A l'inverse, un acte
juridique est caractérisé par la manifestation d'une volonté de la part d'un
sujet de droit. Dans le cas d'un fait juridique, l'article 1358 du Code civil
dispose que la preuve est libre, en ces termes : "Hors les cas où la loi en
dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen". Dans le cas
d'un acte juridique, c'est l'article 1359 et suivants qu'il convient de
considérer.
En l'espèce, le vendeur et l'acquéreuse ont négocié un contrat de vente oral, ce
qui constitue la manifestation de leur volonté d'effectuer cette vente.
En conséquence, l'objet de la preuve porte sur l'acte juridique de la vente.
S'agissant de l'admission de la preuve, en droit, l'article 1359 du Code civil
dispose que "L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un
montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou
authentique". Cet article s'interprête en fonction d'un montant fixé par le
décret n° 80-533 du 15 juillet 1980, modifié par le décret 2016-1278 du 29
septembre 2016. Ce dernier dispose que "La somme ou la valeur visée à l'article
1359 du code civil est fixée à 1 500 euros". Ainsi, pour tous les actes
juridiques dont la somme reste inférieure à 1500 euros, la preuve reste libre,
tandis que les actes juridques dont la somme est supérieure à 1500 euros ne
peuvent être prouvés qu'à l'aide d'un acte authentique, ou d'un acte sous seing
privé.
En l'espèce, la vase a été vendu pour la somme de 10000 euros, valeur dont
l'acquéreuse ne semble pas contester le montant. Le contrat de vente est
cependant oral, et il n'existe aucun acte authentique ni d'acte sous seing
privé permettant de prouver la vente.
En conséquence, M. Morin ne peut prouver la vente par la production d'un acte
admissible comme preuve.
Cela établi, il convient de considérer si M. Morin peut se prévaloir de
certaines exceptions permettant de prouver l'existence de la vente. Ces
dernières sont relatives à la nature des parties au contrat, à la présentation
d'une copie fiable du contrat de vente, à l'aveu judiciaire ou au serment
décisoire, à l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, ou au
commencement de la preuve par écrit.
S'agissant de la nature des parties au contrat, en droit, l'article 110-3 du
Code de commerce dispose "A l'égard des commerçants, les actes de commerce
peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par
la loi". Cet article vise à protéger les consommateurs en leur permettant de
prouver plus aisément des actes juridiques en présence d'un commerçant, réputé
plus compétent.
En l'espèce, l'énoncé ne précise pas la profession de l'acquéreuse.
En conséquence, si cette dernière est une commercante, la preuve pourrait être
libre. Dans la contraire, M. Morin devra prouver la vente par un moyen
admissible.
S'agissant de la copie fiable, en droit, la production d'une copie fiable et
durable peut avoir la même force probante qu'un acte original, comme en dispose
l'article 1379 du Code civil. Ce dernier dispose que : "La copie fiable a la
même force probante que l'original. La fiabilité est laissée à l'appréciation du
juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d'un écrit
authentique. Est présumée fiable jusqu'à preuve du contraire toute copie
résultant d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte,
et dont l'intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des
conditions fixées par décret en Conseil d'État. Si l'original subsiste, sa
présentation peut toujours être exigée".
En l'espèce, le contrat de vente ayant été conclu à l'oral, il n'existe pas plus
de copie fiable que d'acte original.
En conséquence, M. Morin ne pourra fournir une copie fiable comme preuve de
l'existence de la vente.
S'agissant de l'aveu judicaire ou du serment décisoire, en droit, l'article 1361
du Code civil dispose qu'il "peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire,
le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un
autre moyen de preuve". Ainsi, pendant l'instruction, si le défenseur avoue
l'acte juridique ou prete un serment décisoire en faveur du plaignant, alors ce
dernier dispose d'une preuve admissible.
En l'espèce, M. Morin vient nous consulter sur sa capacité à prouver l'existence
de la vente. Aucune action en justice n'a encore été instruite, et faire reposer
l'issue de cette action sur la bonne volonté de l'acquéreuse semble hasardeux.
En conséquence, M. Morin ne devrait pas considérer l'aveu judiciaire ou le
serment décisoire comme des moyens de prouver l'existence de la vente.
S'agissant de l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, en
droit, l'article 1360 du Code civil dispose que "Les règles prévues à l'article
précédent reçoivent exception en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se
procurer un écrit, s'il est d'usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque
l'écrit a été perdu par force majeure". L'article de référence est l'article
1359 du Code civil, déjà exposé supra, qui limite la preuve aux actes
authentiques ou aux actes sous seing privé lorsque la somme est supérieure à une
valeur fixée par décret. Ainsi, cet article indique que la preuve redevient
libre lorsqu'il existe une impossibilité matérielle ou morale de se procurer un
écrit, ou lorsque celui-ci a été perdu par force majeure. La jurisprudence
retient généralement comme impossibilité morale, le fait d'exiger un écrit
auprès d'un membre de la famille.
En l'espèce, l'acquéreuse est la concubine du fils du vendeur. Bien que n'étant
pas stricto sensus liée à la famille du vendeur par un contrat de mariage, le
juge du fond pourrait retenir l'impossibilité morale d'exiger un contrat écrit,
eu égard à son fils.
En conséquence, suivant l'appréciation du juge sur l'impossibilité morale
d'exiger l'établissement d'un contrat écrit entre le vendeur et l'acquéreuse, la
preuve pourrait devenir libre, et ainsi permettre à M. Morin de pouvoir
présenter des preuves jusqu'ici inadmissibles.
S'agissant du commencement de preuve par l'écrit, l'article 1361 du Code civil,
déjà exposé supra, dispose que le commencement de preuve par écrit peut être une
preuve admissible, si ce dernier est corroboré par d'autres preuves. Pour qu'un
commencement de preuve par écrit soit reconnu, il faut un écrit de celui qui
conteste l'acte juridique, et qui rende vraisemblable ce qui est allégué, comme
en dispose l'article 1362 du Code civil : "Constitue un commencement de preuve
par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui
qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué".
En l'espèce, M. Morin dispose d'une lettre postale, envoyée par l'acquéreuse,
confirmant sa volonté de payer le prix convenu. Cette lettre émane donc bien de
celle qui conteste la vente, et elle rend vraisemblable l'existence de la vente,
puisqu'elle établit une reconnaissance de dette d'un montant égal à celui
convenu lors de l'établissement du contrat oral.
En conséquence, suivant l'appréciation du juge de fond, la preuve pourrait être
libre et ainsi permettre à M. Morin de prouver l'existence de la vente par tout
moyen.
Que ce soit par l'impossibilité morale de se procurer un écrit du fait de la
relation familiale distante du vendeur et de l'acquéreur, ou grâce au
commencement de preuve par écrit constitué par la lettre envoyée par
l'acquéreuse, M. Morin pourrait, selon l'appréciation du juge du fond, faire
usage de tous moyens de preuve.
En droit, l'article 1381 du Code civil dispose que "la valeur probante des
déclarations faites par un tiers dans les conditions du code de procédure civile
est laissée à l'appréciation du juge". Les déclarations faites par un tiers sont
constituées par les témoignages que peuvent apporter des personnes n'étant
partie prenante à l'acte juridique considéré.
En l'espèce, le contrat de vente oral a été établi à l'oral, lors d'un diner de
famille auquel ont participé plusieurs tiers.
En conséquence, sous l'appréciation du juge du fond, les personnes présentes à
ce diner de famille pourraient témoigner de l'existence de la vente.
Ainsi, M. Morin, à qui incombe la charge de la preuve, ne dispose pas d'écrits
ayant valeur probante quant à l'existence de la vente. Ce dernier pourra
cependant tenter de prouver l'existence de la vente grâce à plusieurs
hypothèses, selon l'appréciation du juge du fond : l'impossibilité morale de se
procurer un écrit et un commencement de preuve par écrit. Si l'une de ces
hypothèses est validée, M. Morin pourrait alors faire appel aux témoins de la
vente, et ainsi en prouver l'existence, et en exiger l'obligation.