Ajout cas pratique contrat de bail

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Florian Maury 2023-12-10 12:03:26 +01:00
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M. Morin est locataire d'un appartement. Son bailleur souhaite appliquer une
augmentation de loyer en vertu d'une loi nouvelle entrée en vigueur un an avant
l'échéance du contrat de bail.
La question concerne l'applicabilité d'une loi nouvelle, entrée en vigueur
pendant l'exécution d'un contrat.
Dans un premier temps, il convient de déterminer si la loi nouvelle prévoit des
dispositions transitoires.
En droit, des dispositions transitoires sont des instructions disposées par une
loi et visant à résoudre les conflits d'application de la loi dans le temps,
vis-à-vis de lois plus anciennes.
En l'espèce, la loi autorisant la majoration du loyer n'a pas été spécifiée
comme contenant des dispositions transitoires.
En conséquence, l'applicabilité de la loi dans le temps pour ce litige suit les
règles générales.
Il convient également de déterminer si les faits relèvent de la manière pénale
ou de la matière civile.
En droit, l'article L111-1 du Code pénal dispose que "les infractions pénales
sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions".
Ainsi, un fait ou un acte juridique ne relève du Code pénal que si ce dernier
constitue une infraction. À l'inverse, le Code civil vise à établir des règles
de résolution de conflits entre sujets de droit.
En l'espèce, le litige discuté ici ne constitue pas une infraction au Code
pénal. De même, le litige oppose le locataire à son bailleur, tous deux sujets
de droit, ce qui est encadré par le Code civil.
En conséquence, le litige discuté relève de la matière civile.
La question de droit est dès lors celle de l'applicabilité dans le temps de loi
en matière civile.
En droit, l'article 2 du Code civil dispose que "La loi ne dispose que pour
l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif". Cet article énonce le principe
général de non-rétroactivité de la loi en matière civile. Ainsi, la loi nouvelle
s'applique de manière immédiate pour les effets futurs et sans modification des
effets passés.
En l'espèce, la décision du bailleur d'augmenter le loyer grâce aux dispositions
de la loi nouvelle est postérieure à l'entrée en vigueur de cette dernière.
En conséquence, suivant le principe de non-rétroactivité général, le bailleur
semble fondé à augmenter le loyer de M. Morin.
Il existe cependant des exceptions à ce principe de non-rétroactivité qu'il
convient de considérer. Ces exceptions ont trait au contenu de la loi, à sa
nature et à la situation contractuelle en regard de la doctrine.
S'agissant du contenu de la loi, en droit, la jurisprudence de la première
chambre civile de la Cour de cassation en date 4 décembre 2001 prévoit qu'en cas
de considération d'ordre public impérieux, la loi nouvelle s'applique
immédiatement et de manière rétroactive, afin que l'intérêt général prime sur
celui des contractants. De même, une loi peut être expressément rétroactive si
elle en dispose ainsi dans son texte.
En l'espèce, l'augmentation de loyer ne relève pas de l'intérêt général. De
plus, aucune mention n'est faite que la loi contienne des dispositions expresses
concernant sa rétroactivité.
En conséquence, le principe de non-rétroactivité général continue de
s'appliquer, étant donné que la loi nouvelle ne contient aucune disposition
expresse quant à sa rétroactivité, et étant donné que l'exception ayant trait
aux considérations générales d'ordre public impérieux ne semble pas s'appliquer
au cas d'espèce.
S'agissant des exceptions liées à la nature de la loi, en droit, les lois
interprétatives venant préciser une loi ancienne font corps avec la loi ancienne
et s'appliquent à la date d'entrée en vigueur de la loi ancienne. Les lois de
validation permettent de valider des actes jugés irréguliers de façon
rétroactive. Enfin, les lois de procédures sont également rétroactives.
En l'espèce, une loi permettant de révisant le loyer prévu dans un contrat de
bail ne semble relever ni d'une loi interprétative, ni d'une loi de validation,
ni d'une loi de procédures.
En conséquence, ces exceptions ne s'appliquent pas au cas d'espèce.
S'agissant de la situation contractuelle, en droit, la doctrine précise
cependant, grâce à la théorie de Paul Roubier de 1929, qu'en exception à
l'article 2 du Code civil, en situation contractuelle, le principe est celui de
la survie de la loi ancienne. Cette exception vise à protéger les prévisions
raisonnables des contractants, qui se sont fiés au moment de la conclusion du
contrat, à la législation en vigueur.
En l'espèce, le locataire et son bailleur ont signé un contrat de bail, toujours
en vigueur.
En conséquence, suivant le principe de survie de la loi ancienne en situation
contractuelle, la loi qui s'applique est la loi ancienne, sans qu'il soit
possible au bailleur de se prévaloir des dispositions de la loi nouvelle.
Ainsi, attendu le principe général de non-rétroactivité de la loi en manière
civile, attendu le principe de survie de la loi ancienne en situation
contractuelle, attendu que la loi dont se prévaut le bailleur ne prévoit aucune
disposition expresse de rétroactivité ni de dispositions transitoires, et
attendu qu'aucune des autres exceptions à ces principes ne s'applique au cas
d'espèce, M. Morin semble donc fondé à refuser cette augmentation de loyer.