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Vacciné et contre le pass sanitaire anti-pass-sanitaire Florian Maury Un billet d'humeur contre l'extension du pass sanitaire, son principe en général et ses dérives autoritaires 2021-07-19T00:00:00+02:00 posts false
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Je suis contre le pass sanitaire, et je suis pourtant vacciné.

Comme il semble importer à certains de comprendre qui parle pour ensuite savoir l'écouter, voici un court résumé sur ma personne. Les gens intéressés uniquement par le fond peuvent sauter la prochaine section de ce billet.

Qui suis-je ?

Je suis Florian Maury. J'ai 38 ans, et je suis en surpoids (IMC 29.5), sans autre comorbidité connue. Je ne suis ni rattaché, ni sympathisant d'aucun parti politique. Mon seul engagement politique significatif est l'antispécisme.

Pendant la pandémie, mon emploi a été maintenu et j'ai pu le continuer, en bénéficiant du télétravail à 100%. Ce jour encore, je suis en télétravail.

Ma compagne, elle, travaille avec des enfants et est donc exposée à un risque de contamination plus important que d'autres corps de métier.

J'ai fait le choix de me vacciner parce que j'ai considéré les risques de ne pas me vacciner, et ceux de me vacciner, et j'ai jugé que la balance bénéfices/risques, dans mon cas, penchait vers l'intérêt d'être vacciné. C'est un calcul personnel, effectué exclusivement sur des considérations égoïstes, et à aucun moment pour protéger les autres. À ma place, vous auriez pu faire un choix différent ; chacun son corps.

Pour protéger les autres, je respecte les gestes barrières depuis la première heure. J'ai porté un masque, conformément aux directives sanitaires, y compris en forêt, lorsque je croisais d'autres promeneurs (ce qui pourra paraître hygiéniste à certains). En fait, je portais même un masque dans les transports en commun et sur mon lieu de travail AVANT la pandémie de covid-19, lorsque j'étais malade. Par respect pour mes collègues de travail, et mes compagnons de voyage de la région parisienne.

Quels sont les problèmes du pass sanitaire ?

Le pass sanitaire présente de nombreux problèmes, sur le plan technique, sur le plan juridique et sur le plan éthique. Dans ce billet, il pourra être question du vaccin, puisque les deux sont quasiment indissociables depuis les annonces d'Emmanuel Macron, ce 12 juillet 2021.

Aspect technique

Depuis la parution du pass sanitaire, de nombreuses critiques sont formulées sur sa réalisation technique.

Dans cet article, Piotr Chmielnicki et moi-même avons analysé le contenu du pass sanitaire, et l'avons comparé aux annonces gouvernementales, aux déclarations sur les sites gouvernementaux, et à l'avis de la CNIL.

Nous avons révélé que le pass contenait de nombreuses informations sans rapport avec la finalité du pass, dont des informations médicales, et des informations affectant la vie privée, et pouvant causer des risques dans le cadre du vol d'identité. Ces affirmations ont été confirmées par de nombreuses études indépendantes et publiées à la même période. On pensera à celle de Mathis Hammel, celle de Christian Quest, aux excellentes analyses de TousAntiCovid Verif par Gilbsgilbs, ou à l'implémentation de preuves de concept comme sanipasse.fr et celle de Bastien Le Querrec, de la Quadrature du Net.

Il est intéressant de noter que dans son avis du 12 mai, la CNIL disait d'ailleurs à juste titre :

  1. La Commission estime que laccès à un lieu ne saurait, par principe, être conditionné à la divulgation dinformations relatives à létat de santé des personnes, y compris sagissant de lieux qui nont pas trait à la vie quotidienne. En effet, si la vérification de lidentité des personnes peut être exigée pour laccès à certains lieux, lexigence de divulgation dautres informations relatives à la vie privée des personnes, a fortiori de données sensibles, ne saurait être admise quau regard de la nature du lieu ou de lévénement fréquenté et dans le cadre de la stricte application du principe de minimisation de la collecte de ces données. La possibilité daccéder aux lieux de sociabilité sans avoir à prouver son état de santé fait partie des garanties apportées à lexercice des libertés et participe à dessiner une frontière raisonnable entre ce qui relève de la responsabilité individuelle et du contrôle social.

En outre, principalement grâce à Gilbsgilbs, le peuple français a pu prendre conscience que TousAntiCovid Verif fuitait de manière systématique, à chaque scan d'un pass, le contenu de ce pass sanitaire (c'est-à-dire nos données privées et de santé) à un acteur américain (Akamai), puis à une société française : IN Groupe, l'imprimerie nationale. L'application TousAntiCovid Verif pouvait donc être transformée en une application de surveillance de masse, permettant de savoir qui se rendait où et quand. Cette fuite de données était, par ailleurs, parfaitement injustifiable d'un point de vue technique, d'après de nombreux spécialistes en cryptographie. D'ailleurs, Olaf et le créateur de sanipasse.fr l'ont prouvé en fournissant au public des vérificateurs de pass sanitaires hors-ligne, c'est-à-dire sans connexion à Internet nécessaire. En outre, TousAntiCovid Verif contenait des logiciels de tracking des utilisateurs provenant de Google.

De nombreux journaux ont relayé linformation, parmi lesquels NextInpact, Numerama, 01net, Mediapart, Contrepoints, Le Monde Informatique. Il y eut aussi d'autres formes de relais dont Developpez ou iGeneration. Finalement, le gouvernement a annoncé, lors d'une conférence de presse, l'élaboration dans l'urgence d'un mode "offline" (hors-ligne). Cette version avec un mode offline a été mise en ligne deux jours après. À ce jour, le code source de TousAntiCovid Verif n'a toujours pas été publié, contrairement aux annonces gouvernementales effectuées durant cette même conférence de presse.

Depuis, Olaf et Gilbsgilbs ont pu noter que la fonctionnalité de conversion des pass sanitaires français en pass sanitaires européens, par l'entremise de TousAntiCovid, avait recours à l'envoi du pass sanitaire dans son intégralité, toujours via les serveurs américains d'Akamai, puis via les serveurs d'IN Groupe.

Le gouvernement a annoncé une migration vers Orange, afin déviter la fuite des données en Amérique. À linstar de la publication du code source de TousAntiCovid Verif, le cierge est allumé...

Aspect juridique

Le pass sanitaire présente de nombreuses faiblesses juridiques.

Pour commencer, le pass sanitaire a failli être retoqué par le Parlement puisqu'il a été nécessaire de faire deux votes, le premier ayant eu pour résultat son rejet. C'est au prix d'amendements, à l'initiative du Modem, visant à restreindre la durée du pass, que celui-ci a été finalement accepté par le Parlement.

Parmi les dysfonctionnements persistants, on note ainsi dans la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire :

La présentation, sur papier ou sous format numérique, des documents mentionnés au premier alinéa du présent B est réalisée sous une forme ne permettant pas aux personnes habilitées ou aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître la nature du document ni les données qu'il contient.

Or il se trouve que le pass sanitaire est librement lisible par tous, à l'aide d'un lecteur de code barre 2D, et qu'il contient les noms, prénoms, date de naissance, date de la dernière injection, agent prophylactique, état du cycle vaccinal, et nom et marque du vaccin, dans le cas d'un pass sanitaire de type vaccinal. Des informations différentes sont présentées dans le cas d'un pass sanitaire de type test. Le pass est donc contraire à cette loi en cela qu'il permet aux personnes habilitées ou aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître la nature du document et les données qu'il contient. Peu importe que l'application TousAntiCovid Verif dissimule certaines informations ; n'importe quel lecteur de code barres peut en révéler le contenu intégral.

En outre, il est attendu, pour qu'il soit efficace, que les personnes habilitées ou les services autorisés à en assurer le contrôle puissent vérifier l'identité du porteur du pass, notamment en comparant les noms, prénoms et date de naissance du pass avec ceux sur une pièce d'identité. Or, la vérification de l'identité d'une personne est encadrée par la loi. En l'occurrence, sur le site Services Publics.fr, on peut lire que le contrôle d'identité est limité aux personnes suivantes :

Les forces de l'ordre (police, gendarmerie) habilitées à faire un contrôle d'identité sont les suivantes :

  • Officier de police judiciaire (OPJ)
  • Agents de police judiciaire, sous la responsabilité de l'OPJ
  • Certains agents de police judiciaire adjoints, sous la responsabilité de l'OPJ Un douanier peut aussi faire un contrôle d'identité dans certains cas. A savoir : un agent de police municipale peut relever votre identité lorsqu'il constate une contravention. Par exemple, une contravention de stationnement. Toutefois, il n'est pas autorisé à contrôler votre identité.

Il convient donc de noter que ni les barmen, ni les restaurateurs, ni les agents de sécurité des boîtes de nuit, des centres commerciaux, des hôpitaux, des cinémas et théâtres, ou d'aucun lieu de loisirs ne sont habilités à demander aux citoyens français leurs papiers d'identité pour en faire le contrôle. Alexandre Horn informe également dans ce sens, dans les colonnes de Libération.

Par ailleurs, la Quadrature du Net a saisi le Conseil d'État, le 9 juin, à propos du pass sanitaire, via la procédure de référé-liberté. Bien que le Conseil d'État soit censé rendre un verdict en deux jours, dans ce cadre de procédure, il a fallu attendre près d'un mois pour obtenir un jugement. Il s'agit là d'un délai noté comme anormalement long par de nombreux juristes, même dans les circonstances exceptionnelles de cette pandémie.

Le verdict du Conseil d'État, rendu le 6 juillet a soigneusement évité d'adresser certains points cruciaux de la plainte, a énoncé des banalités sans rapport avec la plainte (avaient-ils perdu le dossier ?), et n'a finalement pas suspendu le pass sanitaire pour les raisons suivantes (liste non exhaustive) :

  • "Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que le traitement TousAntiCovid Vérif effectivement mis en oeuvre par le ministre de solidarités et de la santé repose sur un contrôle local des données contenues par les justificatifs (" mode off-line "), et que le Gouvernement a renoncé à tout échange de données avec le serveur central de la société prestataire lors de la vérification des justificatifs présentés sur le téléphone mobile de la personne entendant se prévaloir du passe sanitaire". On notera que ce "renoncement" du gouvernement coïncide avec les révélations faites par le groupe de citoyens mentionnés dans la section "Aspects techniques" de ce billet.

  • "Son usage a été restreint aux déplacements avec l'étranger, la Corse et l'outre-mer, d'une part, et à l'accès à des lieux de loisirs, d'autre part, sans que soient concernées les activités quotidiennes ou l'exercice des libertés de culte, de réunion ou de manifestation".

Or, avec l'extension du pass sanitaire annoncée par le Président de la République ce 12 juillet 2021, soit 6 jours après le verdict du Conseil d'État, il apparaît très clairement que le contexte sanitaire n'a pas changé du tout au tout en ces 6 jours, et que le pass concerne désormais les activités quotidiennes.

Sur le plan juridique, il y a également la question de la proportionnalité de l'atteinte à la liberté de circulation, et au principe dégalité, au vu de l'objectif. Étant donné que la France est l'un des rares pays à avoir choisi de déployer un tel dispositif généralisé, il me semble raisonnable d'en douter. Hélas, comme l'explique Dominique Bompoint dans son article dans Le Figaro, il n'y a rien à attendre du Conseil Constitutionnel.

Le recours déposé par Piotr Chmielnicki auprès de la CNIL, avec en copie le Défenseur des droits, n'a pas abouti. Le Défenseur des droits s'est défaussé en pointant vers son article à ce sujet, publié en mai, à une date antérieure à la plainte, et qui ne répond à aucun des éléments techniques avancés dans la plainte. On peut notamment y lire "Le projet de loi a fait lobjet de modifications par le Sénat, maintenues par la commission mixte paritaire, dont certaines vont dans le sens des recommandations de la Défenseure des droits, en particulier lintégration dans le texte de garanties complémentaires concernant le « pass sanitaire », en vue de protéger les droits et libertés, notamment les données de santé". Or, il s'avère que même si la loi contient effectivement ces garanties, l'implémentation du pass sanitaire par le gouvernement français en fait fi. Le Défenseur des droits na donc visiblement pas jugé utile de vérifier. La CNIL na fait quaccuser réception, plus dun mois après le dépôt de plainte. Elle na pas statué sur le fond pour le moment, près de deux mois après la réception du recommandé avec accusé de réception.

Aspect éthique

Le pass sanitaire devient moralement un pass vaccinal. En effet, le déremboursement des tests sans prescription médicale revient à ce que les personnes ne souhaitant pas se faire vacciner, ou ne le pouvant pas pour raisons de santé, soient contraintes de se vacciner, ou à débourser plusieurs centaines d'euros par mois, pour vivre normalement. Il s'agit là d'une violence sociale, particulièrement grave, contre les personnes en situation de précarité, ou en situation de santé complexes. Criant est le manque d'humilité des instances dirigeantes sur leur capacité à capturer l'infinie complexité des situations individuelles et à asséner une solution universelle.

Le pass sanitaire va donc créer deux castes de citoyens : les vaccinés et les non-vaccinés. Le Président de la République soulignait d'ailleurs lors d'un entretien : "Vos droits ne peuvent pas être les mêmes parce qu'ils supposent des devoirs". Dès lors, la notion d'égalité, énoncée par la Constitution française, vole en éclat. Cette division participe, dailleurs, à créer des tensions entre citoyens, et détourne lire de la foule de la caste des dirigeants vers celle des non-vaccinés. Cette diversion participe activement à dédouaner et déresponsabiliser la caste politique de la situation actuelle, alors quils en sont les premiers fautifs.

Hélas, les pauvres hères de la caste des non-vaccinés (ou devrait-on les appeler "intouchables" ?) ne seront pas tous relégués ainsi par choix. Même en admettant que tous souhaitent se faire vacciner, il ny a pas assez de doses pour vacciner toute la population âgée de 12 ans et plus. Avec 50 millions dadultes âgés de 20 ans et plus, il faudrait au minimum 100 millions de doses pour tous les vacciner. Cest faire lhypothèse quaucune dose na été perdue, et quil faut deux doses pour chaque personne. Or, depuis le début de la pandémie, la France na reçu que 71 millions de doses. Bien que nous soyons censés en recevoir 9.6 millions dici fin juillet, et 14 millions en août (source : JT de France 2 du 17 juillet), le chiffre de 100 millions ne sera pas atteint. Et cest sans compter la vaccination des 12 à 20 ans. Le gouvernement a donc choisi délibérément, et en connaissance de ces chiffres publics, une stratégie qui plongera des millions de citoyens dans la difficulté, quils soient pour ou contre le vaccin, et pour ou contre le pass sanitaire. Une stratégie antisociale, déshumanisante, déresponsabilisante, infantilisante.

Finalement, on peut sinterroger sur le caractère éthique dun très haut taux de vaccination dans les pays développés, imposé par le gouvernement en France avec le pass désormais vaccinal, quand 87% de la population mondiale na pas reçu deux doses. Freinerait-on plus efficacement lépidémie en diminuant la propagation du virus (et donc ses chances de mutation, qui affecteront également les vaccinés du premier monde) dans les pays du tiers monde ? Probablement.

Conclusion

Le pass sanitaire, maintenant devenu pass vaccinal, représente à lui seul la déchéance de tous les principes énoncés par notre devise nationale. Séparation des citoyens en castes ; privation de libertés pour les non-vaccinés volontaires et involontaires ; obligation vaccinale pour certains corps de métiers, sous peine dêtre licenciés de plein droit ; tensions accrues entre les citoyens menant à des actes de violences et de vandalismes. La défaite est totale. Lindividualisme est la règle, et dès lors que certains ont leur fameux sésame, ils se contrefichent, et pire, jugent, leurs compatriotes, au lieu de se montrer solidaires et de comprendre quils seront peut-être les prochains exclus, au détour dune nouvelle loi liberticide des gouvernants.

Un passeport na jamais été le symbole de la liberté. Un passeport est un passe-droit accordé à des personnes qui peuvent outrepasser une nouvelle règle restrictive, afin que leurs détenteurs puissent continuer de procéder comme avant. Noublions jamais les laissés pour compte qui ne jouissent pas de ce passe-droit, et souvenons-nous que nous serons peut-être les prochains à être laissés sur le carreau.

Je souhaiterais terminer ce billet avec le cri du Général Kellermann lors de la bataille de Valmy, où les forces prussiennes ont été repoussées par larmée des citoyens : “Vive la Nation !”. Faisons trembler la terre, et pourquoi pas lÉlysée !